Les éditions Les provinciales consacrent un nouveau livre à Pierre Boutang tout en rééditant l’un de ses ouvrages.
Boutang ne cesse de nourrir nos réflexions et nos combats. Henri Du Buit, qui fut son élève et son collaborateur, lui consacre un court et utile ouvrage, Le petit boutang des philosophes, en cinq points. La question du sujet est centrale, surtout s’il s’agit d’arracher le sujet à la conception rousseauiste qui veut que l’homme soit bon et la société corruptrice, creuset d’où vont naître toutes les tentations romantiques et tous les totalitarismes modernes. Face à ce bon sauvage déresponsabilisé, et prêt à virer au surhomme, toute l’œuvre de Boutang dresse la nécessité de refonder le sujet dans la tradition métaphysique chrétienne, d’en faire un être complet, c’est-à-dire capable d’un libre arbitre absolu. Et cette refondation ne peut se passer du recours permanent au réel, non seulement dans la réflexion que nous devons avoir sur nos perceptions, nos sensations, mais aussi dans l’intégration des sciences contemporaines, biologie et physique, fondant dans le concret du vécu et dans le solide de la matière cette métaphysique de l’être qui seule peut libérer l’homme de la tentation du surhomme, nazi ou transhumain, libéral ou communiste. Le livre est un peu exigeant, certes, mais qui peut se targuer d’avoir jamais lu facilement un livre de Boutang ? Du Buit fournit des lignes de force qui nous permettent de nous encorder !
Instituer la nécessité
Et de partir à l’assaut de Reprendre le pouvoir, d’abord paru en 1978. Boutang nous trace le chemin, ramassant en un seul livre toute sa métaphysique et tout son parcours d’intellectuel engagé (ajoutant une saveur presque désuète à des propos incandescents, quand il évoque le président Carter…). C’est un manuel du chrétien en politique, en quelque sorte, que nous a donné Pierre Boutang – et on voit la brûlante actualité de la chose – car chrétien veut dire salut, et nous avons besoin d’être sauvés. Olivier Véron le souligne dans une excellente préface, liant refus de l’histoire et disparition du pouvoir, construction européenne et négation du peuple. Ce qui est en jeu, donc, aujourd’hui, c’est concevoir autrement le politique pour reprendre le pouvoir, en commençant par en instituer la nécessité. Ce qui fonde tout, c’est le bien commun, et l’engagement du souverain pour le bien commun, et le consentement des sujets au souverain : « c’est cette différence légère de la liberté au sein du mixte d’autorité et de consentement qui fonde la légitimité du pouvoir ». Une légitimité fondée sur la liberté et la filiation, le libre arbitre et l’héritage, mutuellement contraignants et libérateurs à la fois, car affectant la vraie vie des vrais gens. « Chaque enfant d’une race et d’une langue, chaque nouveau- né recommence l’énorme aventure, retrouve la chance de tous les saluts ; le tissu premier de la politique, la source et l’objet du pouvoir sauveurs, c’est la naissance. Chaque naissance dans une famille est le modèle idéal et réel des renaissances nationales ; l’apparition effective d’une telle renaissance exige la conjonction […] d’un état de la corruption ploutocratique avec une décision de rétablissement de la nature politique et du droit naturel. » (Pierre Boutang). On y est. ❑
• NB – Grâces soient rendues aux disciples de Boutang, car ils l’ont lu !
Philippe Mesnard, L’Action Française, du 1er décembre 2016.
• Henri Du Buit, Le petit boutang des philosophes – Introduction à la philosophie de Pierre Boutang, Les provinciales, novembre 2016, 96 pages, 14 euros ;
•Pierre Boutang, Reprendre le pouvoir, Les provinciales, novembre 2016, 224 pages, 20 euros.