Certains suscitent des épigones, répétiteurs adulateurs, commentateurs sans distance – kantiens, hégéliens, heideggériens, etc. –, d’autres, tels Simone Weil, Vico, Hamann, Buber, Berdiaeff, Chestov, Kafka, Jünger, Klee, Péguy, Pierre Boutang, et alii, sont des maîtres dont la destinée est de n’être pas suivis : ils autorisent par leur regard, leur charge et marche des croissances personnelles libres, des itinéraires singuliers, et des amitiés.
Le titre de ce livre imite celui d’un chapitre du Maurras de Boutang : « Dans le regard de Péguy » ; « Regarder, c’est prendre en garde en retour, revenir en arrière pour garder », écrit Boutang. Le livre d’Olivier Véron (ainsi que ses exercices d’éditeur) entend garder un « catholicisme sioniste » ouvert par « le philosophe catholique nationaliste sioniste Pierre Boutang ». Dire que Boutang est « de droite » égare : il n’appartient pas à la société ou civilisation industrielle actuelle – qui réduit tout à « savoir vendre, pouvoir vendre, vendre ! » (Balzac, Gaudissart II), et installe un camp de travail européen et mondial, usine et supermarché, avec quelques cages dorées promouvant l’envie, contre les nations, asservissant les personnes, athée et nihiliste.
La droite en France et en Europe est affairiste, négociante, avare et gourmande (« goulavare », dit Boutang), et ne conçoit rien de plus grand que le progrès des techniques mécaniques engendrant bénéfices et profits. Il arrive qu’elle s’orne de théories – saint- simonisme, malthusianisme et darwinisme, racisme, calvinisme réformé jouisseur, etc. – ces parures accusent sa mesquinerie et cruauté, ainsi que son indifférence aux beautés gratuites et aux grâces de la présence divine.
Il est identiquement sot de croire que la « droite israélienne » est de même perverse nature que la droite européenne ou mondiale. La pensée conceptuelle et l’univocité sont inévitablement grossières, fausses et calomnieuses…
Les « mondialistes », marxo-fascistes, fascistes noirs, et les libéraux, pensant en termes de « masses », monde, classes, races, excédant la nation encore à la taille humaine et a fortiori le fief et le kibboutz, ne peuvent pas comprendre le double « souci politique » de Pierre Boutang, ni sa définition du pouvoir (« la nature du pouvoir est de sauver »), ni sa conviction que « le salut vient des Juifs », du Christ, d’Israël.
L’antisémitisme momentané de Pierre Boutang, au temps de sa jeunesse et de l’Action française, n’a été qu’une expression négative, superficiellement erronée, de son rejet de la société bourgeoise, travailleuse et usurière, des forces d’occupation de la nation française ; il encombrait sa foi en l’élection divine du peuple juif, dans le Christ hébreu, mais sans rien entamer de son admiration pour le judaïsme (alors qu’un athée, dogmatiquement, nie radicalement le judaïsme et par conséquent les fondations divines et bibliques de l’État d’Israël, en lequel il ne voit qu’usurpation et obstacle à la paix au Proche-Orient et dans le monde).
S’affranchir de cette erreur fut très facile à Pierre Boutang (quoique laissant peser le violent regret de l’avoir commise), et il put dès lors sans encombre, ne suivant pas son maître, percevoir clairement l’essence du Retour en Israël, ainsi que les conséquences pour le christianisme (et les résidus de la nation française) de la résurrection du royaume de David.
« Israël change tout », écrit Olivier Véron : « C’est en Israël que l’Europe profonde [la spirituelle, qui persiste par îlots, malgré l’occupation, depuis le Moyen Âge roman] sera battue “tournée”, ou gardera, avec son honneur, le droit à durer » (Pierre Boutang, La Guerre des Six Jours).
Contraint par ses ennemis d’employer les moyens modernes, mais nullement asservi par eux, Israël, « nation exemplaire », lutte contre Baal Moloch et Mammon et leur clergé européen né de la Collaboration, contre cet autre nazisme qu’est l’Islam, contre ceux qui espèrent une seconde Shoah ou destruction totale de l’État hébreu et de sa population, enlarmant à l’avance leurs yeux et niant déjà d’avoir voulu cela…
Israël, en ses deux principes de « protection de la personne » et « sanctification du Nom », s’élève en arbre du monde libre et spirituel sur lequel est greffé le christianisme.
Le « catholicisme sioniste » demande une nouvelle alliance des Juifs et des chrétiens, la très fragile précédente ayant disparu dans le plus satanique des massacres modernes.
Ce catholicisme sioniste « commence et commande » (comme disait Boutang de tout principe) les actes d’auteur et d’éditeur d’Olivier Véron et des provinciales qu’il anime ; ce livre donc, recueil de onze textes ou communications, dont six concernent directement Israël, la réédition d’œuvres de Pierre Boutang ainsi que des collections d’articles réunis en volume pour la première fois, la collection « Israël et la France » où sont publiés Pierre Boutang, Claudel, Michaël Bar-Zvi, Pierre-André Taguieff, Guy Millière, Richard Millet, etc., et hors collection des ouvrages de Bat Ye’or, Vladimir Jabotinsky, Sébastien Lapaque, Fabrice Hadjadj, Tzvi Fishman, Theodor Haecker, Yoav Gelber, Richard L. Rubinstein, Rémi Soulié, Henri Du Buit, David Cohen, etc.
Cette maison d’amis est un fief pauvre aux allures de kibboutz, table ronde de chevaliers errants exilés de l’intérieur, un modeste navire ou arche menacée par les pirateries nommées plus haut, cependant bon voilier et marcheur résistant vaillamment aux incessantes attaques, courant de Paris à Jérusalem et retour.