Jean-Christophe Buisson, Le Figaro magazine : « Le plus inspiré des exégètes. »

LE ROI GEORGES

Disparu en 1948, Bernanos a trouvé avec le journaliste et romancier Sébastien Lapaque le plus inspiré des exégètes.

« Un coup de pistolet tiré au milieu du concert »« une grenade dégoupillée »…  Pour analyser l’œuvre de Bernanos, mieux vaut avoir du style et le sens de la for­mule – si possible virile. C’est le cas de Sébastien Lapaque, en particu­lier dans sa présentation lumineuse de La France contre les robots, essai visionnaire de 1947 scandaleusement négligé lors de sa sortie en librairie. C’est le grand mérite du critique du Figaro littéraire, dont on réédite la belle réflexion biographique publiée en 1998, augmentée de plusieurs textes inédits*, de situer ce subtil traité de guerre contre la Technique dans la continuité de l’œuvre monu­mentale bâtie par l’auteur de La Grande Peur des bien-pensants : sous le signe du combat. Car ce « romancier des âmes libres » fut effectivement, toute sa vie, un combattant. Physique, quand il maniait la canne de camelot du roi. Mais aussi politique. Esthétique. Spirituel. Après la Seconde Guerre mondiale, il était aussi incompris par les fidèles de Maurras, dont il s’était détaché depuis vingt ans, que par les chrétiens de gauche ou la bourgeoise de droite. Mais cette solitude allait bien au teint de celui qui rêvait d’« entrer au ciel en qualité de vaga­bond ». Ce fut le cas il y a soixante­-dix ans, en juillet 1948, et on ne connaît guère de tombeau littéraire d’un marbre plus éclatant que le tra­vail érudit et sensible de Lapaque, dont le profil de chevalier éternelle­ment insatisfait et ulcéré par l’imbécil­lité et l’apathie du monde contempo­rain, correspond si bien à celui de son capitaine. Son maître.

Jean-Christophe Buisson, Le Figaro magazine, 18 mai 2018.

*Georges Bernanos encore une fois et autres textes, précédés de « La France contre les robots ou le sermon aux imbéciles »Les provinciales, 184 p., 18 €.