Dans un article consacré à « L’expulsion silencieuse des Juifs d’Europe » (Le Monde du 1ermars 2019), Jean Birnbaum se réfère au fameux livre de Jean-Claude Milner, Les penchants criminels de l’Europe démocratique paru en 2003 (Verdier), mais aussi à l’un des articles de Pierre Boutang dans La Nation Française :
« Dès 1967, écrit-Birnbaum, et alors que l’on célébrait les dix ans du traité de Rome, le philosophe Pierre Boutang (1916-1998) avait été jusqu’à tracer les lignes suivantes : [Il cite]
« À cette heure, il n’y a pas d’Europe. L’homme européen ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en Israël ».
Birnbaum poursuit : « Boutang, qui était issu du mouvement monarchiste, repérait ainsi un aspect que l’on retrouve aujourd’hui sous la plume de (Danny) Trom (1) : au sein d’une Europe démocratique ayant renoncé à ses anciennes formes politiques, les juifs ne peuvent plus compter sur les diverses “alliances royales” qui leur avaient jadis permis de trouver une protection, et auxquelles ils ont ensuite cherché un substitut à travers l’allégeance enthousiaste à la République (…) l’affaiblissement des États souverains, sur le vieux continent, semble indiquer que celui-ci ne peut plus constituer un abri. »
À la veille d’élections européenne importantes, cette analyse n’est pas anodine sous la plume du directeur du Monde des Livres, qui pendant la dernière campagne présidentielle avait osé titrer « Boutang reprend le pouvoir (2) ».
Cependant la fin de la phrase mérite d’être citée, car en juin 1967, Boutang continuait ainsi :
« C’est en Israël que l’Europe profonde sera battue, “tournée”, ou gardera, avec son honneur, le droit à durer (3). »
OV
(1) La France sans les Juifs, émancipation, extermination, expulsion,PUF.
(2) cf. Pierre Boutang, Reprendre le pouvoir, Les provinciales, 2016.
(3) n°598 du 1erjuin 1967, in Pierre Boutang, La guerre de six jours, Les provinciales, 2011, p. 25.