Les provinciales : Prières d’insérer.

 

« La passion de transmettre la tradition est une passion de donner une forme accomplie », disait Martin Buber, c’est pourquoi tout acte éditorial trouve aisément sa signification politique. Le philosophe Michel Onfray préfère pourtant publier seul son Foutriquet, comme un acte gratuit contre Emmanuel Macron, sans se rallier à aucune candidature et sans évoquer la précédente charge héroïque qui lui sert de modèle et a été son inspiration : celle d’un éminent Professeur de métaphysique à la Sorbonne contre un autre Président sortant, en 1981… « Il faut qu’il parte ! » – c’est ainsi que Pierre Boutang terminait son « vil pamphlet » et cela avait réussi. Comme les prisonniers qui immitaient l’audace de Jeanne en tentant une sortie le jour anniversaire de sa propre évasion, nous n’avons donc plus qu’à répéter son acte. Face à une calamité de quarante ans, nous rééditons Précis de Foutriquet sans la préface de Michel Onfray à laquelle il avait droit. Mais à quoi bon s’en prendre aux moulins à vent du Président et faire autant de bruit contre eux si c’est pour annoncer qu’un pouvoir identique succédera fatalement à celui dont on souffre ? Le contempteur de la fatalité transhumaniste s’est-il fait hypnotiser par son objet pour que le ressort puissant de l’héritage humain et de sa transmission lui fassent aussi évidemment défaut ? Ce n’est pas la dimension sociale qui manque aux programmes politiques des candidats, c’est la dimension politique qui fait défaut à ce philosophe-là : « Sans une métaphysique préalable de l’histoire, nulle philosophie de l’existence ne peut se défendre de l’accusation de tricher avec la réalité humaine. »

• Pierre Boutang, Précis de Foutriquet, pamphlet, sans préface de Michel Onfray (cliquer ici pour voir la présentation en ligne du livre).

 

Le premier éditeur d’un autre livre de Pierre Boutang que nous republions ce mois-ci écrivait : « Par toute une part de lui-même, Pierre Boutang est tourné vers le passé de l’esprit et du cœur français. C’est ainsi, du moins, qu’on peut le juger mal et se tromper sur lui. Car il n’est pas tourné vers le passé, il en vient, il est projeté par lui. Le voici parmi nous, dans le temps des grandes confusions, armé d’une lucidité implacable, d’une sagesse qui ne s’avoue pas vaincue » – c’était le prière d’insérer de La Table Ronde pour ce livre de 1947 tout aussi politique : Le secret de René Dorlinde, un roman paru juste avant 1984 de George Orwell. « Ces mythes qu’il propose sont nés de cette adaptation de l’éternité au présent, à l’actualité la plus menaçante. » Ce qui relie ces livres aussi bien entre eux qu’à notre propre temps, c’est la lignée des Foutriquet qui prétendent dépasser la dimension nationale de l’être politique de l’homme mais conduisent à la même pente totalitaire et criminelle où ils nous abandonneront – n’importe s’ils affirment que c’est celle de « la démocratie et les droits de l’homme ».

• Pierre Boutang, Le secret de René Dorlinde, roman, préface de Sébastien Lapaque (cliquer pour voir la présentation en ligne du livre).

www.lesprovinciales.fr