« Le moment est venu de nous expliquer en famille », écrit Claudel dans Une voix sur Israël, opuscule détaché de l’Évangile d’Isaïe auquel travaillait l’auteur du Partage de Midi, en 1949, à l’issue de la guerre opposant les Arabes à l’État qui venait de naître – surgissement théologico-politique donnant à Claudel l’occasion de rappeler que, dès les années 1930, il a vu dans le nazisme une forme d’islam, ce que confirmeront plus tard les propos de Hitler rapportés par Albert Speer. De quelle famille s’agit-il ? De ce qu’on appelle aujourd’hui le judéo-christianisme, sans toujours bien savoir de quoi il est question, en ces temps d’œcuménisme et de « tolérance » abhorrée par Claudel. Mieux vaut donc parler d’une nouvelle alliance entre juifs et chrétiens.
Dans la coïncidence qui nous est annoncée de la réconciliation des Juifs et de la plénification, disons périphérique, de la Chrétienté, il n’y a pas de hasard, il y a un travail réciproque de cause à effet.
Un texte irrigué, irradié même par l’Ancien Testament comme par le Nouveau, et qui n’hésite pas devant ce qui s’avance comme paradoxe mais qui est un craie de lumière violente et douce, à savoir cette « vocation d’Israël à la possession du monde, et comment l’appeler autrement qu’une vocation catholique ? » Un texte aussi déroutant, splendide et nécessaire que Le Salut par les Juifs de Léon Bloy – Claudel et Bloy admirés par Levinas, rappelle Fabrice Hadjaj, dans Claudel plus que sioniste ou La Vocation catholique d’Israël : lumineuse et dense postface au texte claudélien, et l’une des plus hautes méditations qu’il m’ait été donné de lire sur les liens de sang du judaïsme et du catholicisme – le sionisme, lui, pouvant être considérée comme « la plus grande résistance politique possible au transhumanisme contemporain.»
Clara Lukowska, La Revue littéraire n°70, novembre-décembre 2017.
• Paul Claudel, Une voix sur Israël (et son écho par Fabrice Hadjadj), Les provinciales, 2017.