Le corps d’Israël s’est « remembré » depuis près d’un siècle et demi de sionisme politique, constate d’entrée de jeu Shmuel Trigano dans sa nouvelle – et puissante – réflexion sur le sionisme et les destinées du peuple juif (1), publiée par les provinciales. « À l’heure des nations » proclamait, en son temps, le philosophe Emmanuel Levinas, pour qualifier le prodigieux retour d’un petit peuple diasporique vers sa terre ancestrale.
La promesse du sionisme, la promesse d’Israël tiennent dans l’improbable de cette réappropriation : soustraire le peuple d’Israël à son retrait anhistorique et l’inscrire parmi les nations. Comme un acteur de sa propre histoire. Cette promesse – est il besoin de le préciser ? – a été tenue au-delà de toute espérance. Si la pensée de Trigano interpelle, c’est précisément parce qu’il ne s’en tient pas à ce satisfecit parfaitement justifié.
Avec une force démonstrative, Trigano rappelle que le kibboutz hagalouyot, le rassemblement des exilés, n’a pas pour but ultime de donner vie à un État comme les autres, païen et machiavélien ; il doit intégrer à sa matrice le souci de ce qu’il nomme « l’Éternite d’Israël ».
Dans un chapitre décisif, « La metanoia d’Israël », autrement dit son évolution et sa maturation, Trigano dévoile la singularité du temps présent, où Jérusalem affleure de plus en plus comme « le point géométral ou se rencontrent les différents exils d’Israël ». Ce souci de la dimension spirituelle de l’existence juive peut servir utilement d’aiguillon.
L’amour véritable, l’ahavat Israël, n’est-il pas justement le plus exigeant ?
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Alexis Lacroix, Actualité Juive n°1734, du 5 avril 2024.
• Shmuel Trigano, Le chemin de Jérusalem, une théologie politique.