Cela dit, les accusations contre lui ne manquent pas. Spécialiste des États-Unis et de la politique néo-conservatrice, il n’a pas eu la délicatesse d’encenser Barack Obama, ni de lâcher la politique américaine mise en œuvre par son prédécesseur au Moyen-Orient. Il n’a montré aucune fascination pour les printemps arabes et le monde musulman, que celui-ci se cantonne dans ses anciennes querelles ou conquêtes ou qu’il se répande en nouveaux à peu près dévastateurs. Il a une autre idée de l’Europe que celle qui se délite sous ses yeux. Mais surtout il ne s’est pas départi d’une sorte de simplicité enfantine qui est peut-être la plus inexcusable attitude lorsqu’on aborde de front les affaires publiques.
Dans le livre que nous publions aujourd’hui il a failli ajouter à son impressionnant parcours un autre grief. Ce qu’il révèle des secrets d’une gauche alors assez douée pour l’infantilisme de façade dans les années soixante-dix est assez ahurissant. Des raisons juridiques évidentes (il n’a pas de preuves écrites de cette époque) ne lui ont pas permis de compléter sa démonstration en donnant tous les noms de cette sordide mais révélatrice affaire et en particulier celui du cinéaste prestigieux qui l’envoya se colleter à vingt ans avec des terroristes dans une banlieue de Beyrouth. Toutefois le lecteur le trouvera aisément : c’est le premier qui vient à l’esprit*.
Ce petit livre n’est pas une somme sur Israël et l’antisémitisme, ni même la brève conclusion de cinq ou six décennies de reniement dans le pseudo repentir européen. (Le moindre épisode récent suffirait, dans un pays déjà si embourbé qu’il a donné sa « voix » inexplicablement à la résolution contre-historique d’un organisme autrefois dévolu à l’éducation et à la culture).
C’est, comme on dit, un témoignage, le récit d’un itinéraire qui rappelle mieux que les grandes synthèses de quoi est fait le parcours d’un esprit appliqué. Il présente un des regards possibles sur « Israël et la France » dont notre collection a voulu s’honorer. Un personnage de ce récit donne d’ailleurs à Guy Millière la clé et le fin mot de l’histoire dès le début : « cela n’intéresse personne » (le fait qu’Israël soit détesté). Doit-on pour autant se laisser aller à une certaine tristesse et même à la langueur que ce mal peut provoquer (il n’en fut pas exempt) ? Certes non. L’histoire doit être écrite par les témoins, mais c’est afin qu’elle continue. « La découverte de la réalité du mal et le combat contre lui sont à l’origine de toute gaîté », disait bien Chesterton.
L’avocate Rachel Franco* citait d’ailleurs à son sujet le Rabbi Nahman de Breslev, il y a quelque temps : « Dans les moments où Israël se sent seul et abandonné, parmi les hommes, ce sont les Justes des Nations qui nous réconfortent et nous assurent qu’il est interdit de désespérer, disait-il** . »
Olivier Véron, Les provinciales.
* Un film à long métrage vient d’être consacré à sa « gloire ».
** Rachel Franco, « Envers et contre tout, Guy Millière, résistant des temps islamiques », 22 janvier 2015, Dreuz.info.