Ève-Marie des Places, Art press : « Le libéralisme suppose une idéologie scripturaire »

Avec cet essai sous-titré « Le baiser au Smartphone », Henri Du Buit poursuit sa réflexion sur la prédominance de l’écriture, dont il montrait déjà, dans L’Être et l’Argent (2010), quel rôle elle joue dans le libéralisme et dans la contrainte liée à l’argent, et la banqueroute spirituelle qu’elle fait risquer aux peuples comme à l’individu. C’est que le libéralisme suppose une « idéologie scripturaire », et une « main invisible » qui régit « la transcendance de l’écriture . Un procès, donc, de l’écriture, à laquelle le nom même de Dieu, interdit de figuration par le judaïsme, devient, écrit, un facteur d’idolâtrie, et, dans notre modernité (pour peu qu’on se sente chez soi dans l’universelle connexion), un facteur de légifération, de bureaucratie, de dette – l’argent se redoublant d’une « nouvelle forme » d’écriture : le « numérique », dont les maîtres sont les multinationales d’internet et des réseaux sociaux. Nul n’échappe à l’encodage ni aux fausses révélations… Si les tablettes de terre mésopotamiennes étaient des livres de comptes, nos tablettes numériques tiennent le compte de nos pensées et de nos jours. Le galiléo-cartésianisme a façonné notre manière d’être au monde. Notre mémoire n’est plus vive mais confiée aux Big Datas, et nos facultés cognitives à l’intelligence artificielle (IA). Un contrepouvoir à ce Veau d’or de l’homme en voie de transhumanisation ? Recourons aux penseurs dont se nourrit Du Buit, de la Bible à saint Augustin, de Pascal à Kierkegaard qui affirme « Je suis ma liberté », et à Husserl, Boutang, Arendt, voire au Christopher Nolan du film Inception (2010), dans lequel le « rêve partagé » permet de dérober des informations « sensibles » dans le subconscient de sujets devenus non seulement des êtres écrits mais rêvés par les puissances du mal.

Ève-Marie des Places, Art press n°528, janvier 2025.

• Henri Du Buit, La Nouvelle Révolution scipturaire.