Georges Bensoussan, Le Figaro : « Qu’ils n’oublient pas Marc Bloch et Georges Bernanos. »

« L'antisémitisme se pare désormais des oripeaux d'un antiracisme dévoyé. »

GRAND ENTRETIEN – La Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans, rappelle l’historien.

LE FIGARO. – En 2002, vous dirigiez Les Territoires perdus de la République , essai qui décrivait notamment l’apparition d’un antisémitisme culturel dans certains quartiers en France. Seize ans plus tard, vous avez signé la « tribune contre le nouvel antisémitisme » publiée par Le Parisien et vous participez au livre publié par Albin Michel sur le sujet. Diriez-vous que le temps du déni est révolu ?
Georges BENSOUSSAN. On aimerait le penser. Pourtant, même s’il est indéniable que quelque chose a bougé depuis plusieurs mois, je crois que les forces du déni demeurent puissantes. Elles tiennent à cette partie de la gauche sociétale qui domine encore largement l’opinion par le biais d’un grand nombre de médias au discours formaté. De ce côté-là, il faudra s’attendre à de nombreuses contorsions. Tout en déplorant l’antisémitisme (« plus jamais ça »), on continuera à ne pas nommer la source du péril.

(…)

– Que doivent faire en priorité les pouvoirs publics?

– Être des « pouvoirs publics ». Exercer l’autorité, diriger, commander et faire respecter la loi. En commençant par avoir le courage des mots, la première des digues contre le retour en force de la barbarie. La liberté a un prix, c’est celui du combat. Que les pouvoirs publics l’assument.
Mais aussi qu’ils gardent en mémoire les diagnostics de Marc Bloch et de Georges Bernanos dressés tous les deux en 1940-1941, L’Étrange Défaite de l’un, la Lettre aux Anglais de l’autre. Qu’ils n’oublient pas leurs mots sévères sur la trahison d’une partie des élites et sur la lâcheté du grand nombre. Et qu’ils s’évertuent à ce que ces textes demeurent de grands textes littéraires de combat, mais qu’ils n’aient pas pour nous de valeur prémonitoire.

Georges Bensoussan, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers, Le Figaro du 24 avril 2018.