Dans le nouveau livre qu’il vient de publier aux Éditions du Rocher, le président du Parti chrétien-démocrate (PCD), candidat malchanceux à la primaire de la droite et du centre pour les dernières élections présidentielles, Jean-Frédéric Poisson reconnaît qu’« il existe une stratégie de conquête de l’Occident par l’Islam. Cette stratégie est écrite, elle est officielle, elle est publiée. (…) La décrire en détail, en explicitant ses intentions et ses présupposés est l’objet de ce livre » (p. 21).
Il s’agit de la « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique », écrit-il, document produit par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et plus précisément par l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture qui lui est affiliée, l’ISESCO. Ce document est disponible sur le site www.isesco.org, il a été élaboré entre mai 1993 et juillet 2009, et adopté en 2000, « un an avant les attentas du 11 septembre » (p. 147), puis confirmé et amendé à plusieurs reprises jusqu’en 2009 par le Sommet islamique (la plus haute autorité inter-étatique musulmane), afin de servir de « cadre référentiel de l’action culturelle à l’extérieur du monde islamique, que les centres culturels, leurs instituts affiliés et les associations islamiques adopteront comme document de référence » (p. 37).
Comme nos lecteurs s’en souviennent peut-être, c’est Bat Ye’or qui avait mentionné et longuement analysé ce document dans L’Europe et le spectre du califat (Les provinciales, 2010), regrettant à cette occasion, ainsi que le rappelle Jean-Frédéric Poisson, que « ni au moment de sa publication ni par la suite, aucun politicien européen n’en discuta ni ne jugea bon de la porter à la connaissance des Européens* » (p. 45, nous marquons avec des astérisques les citations de Bat Ye’or loyalement mentionnées par J-F Poisson). C’est chose faite : le futur candidat aux élections européenne en a donc fait son cheval de bataille, puisque : « l’ensemble des mesures de la stratégie pédagogique culturelle et sociale n’est que l’agent d’une vision à long terme dont l’aboutissement s’ouvre sur la mission universelle islamique dont l’islam européen et occidental est le vecteur* » (p. 155).
Mais l’attention aux travaux de Bat Ye’or de la part du député qui présida la commission d’enquête parlementaire sur les moyens de Daech, et pilota aussi les travaux de la commission des lois sur l’état d’urgence, ne s’arrête pas là : il relève la « relation parfaitement asymétrique » que l’Islam impose à l’Occident, et « que décrit parfaitement Bat Ye’or » : « la notion moderne de multiculturalisme postule l’équivalence de toutes les cultures et par conséquent de celles des valeurs qui les structurent. Notons que cette notion d’équivalence existe exclusivement en Occident alors que les sociétés islamiques professent la supériorité des leurs (Coran, 3, 110), ce qui introduit une asymétrie dans le concept de multiculturalisme et, en fait, le nie* » (p. 58). Mais Jean-Frédéric Poisson adopte aussi le concept de « dhimmitude » forgé par Bat Ye’or, comme « modèle du dialogue avec l’Occident » (p. 131). Pour cela il renvoie à juste titre et de manière approfondie (pp. 134-137) à la définition du dhimmi par Bat Ye’or, notant que « en se réservant le droit de rompre la dhimma unilatéralement et selon son bon vouloir, le vainqueur relègue les dhimmi dans une condition de permanente insécurité. La tolérance qu’il leur concédait sur leur sol, moyennant soumission à son autorité, acquérait pour des siècles un caractère qui restait temporaire* » (Bat Ye’or, Le Dhimmi). J-F Poisson reprend plusieurs des réflexions de Bat Ye’or à propos de « cette relation dissymétrique entre vainqueurs et vaincus à la base du contrat de tolérance* » (p. 135) : « Sur le plan métaphysique, le dhimmi incarne le Mal, la perversité de l’infidèle qui expie son entêtement sacrilège en fuyant en exil ou en subissant dans sa patrie une condition d’humiliation, de misère et de servilité, rachetant ainsi une existence impie aux termes du contrat dissymétrique* » (p. 136). Il cite son commentaire d’un discours de l’ayatollah Khomeiny en 1979, dont les mots : « Les gouvernements du monde devraient savoir que l’Islam ne peut être vaincu. L’Islam sera victorieux dans tous les pays du monde, et l’Islam et l’enseignement du Coran domineront dans le monde entier » – ces mots, « à la lumière du passé, indiquent un projet politique prévoyant l’extension, à des dimensions planétaires, du djihad et par conséquent de la condition du dhimmi. Aussi peut-on considérer les conflits libanais et israélo-arabe comme des révélateurs de mécanismes idéologiques ayant une portée universelle* » (p. 136). J-F Poisson considère ainsi que « c’est sans exagération que l’on peut parler de la dhimma comme une forme active de “néantisation politique, historique et culturelle des peuples*” », selon le mot de Bat Ye’or (p. 137).
Il semble important de noter, car c’est une occurrence trop rare dans le personnel politique, que le président du Parti chrétien-démocrate assume l’analyse de Bat Ye’or à propos de l’État d’Israël, en renvoyant à son Autobiographie politique : « Cet ouvrage précis, documenté et synthétique, écrit-il, présente également l’intérêt d’une étude sur le statut particulier de l’État d’Israël comme le “dhimmi par excellence”, dont le refus de soumission est inacceptable par l’Islam pour des raisons de principe » (p. 135) et l’« on comprend pourquoi, dans cette perspective, l’existence même d’Israël – seul pays depuis l’Espagne du XIVe siècle à avoir réussi à s’arracher de la dhimmitude, représente aux yeux des musulmans une situation inacceptable » (p. 137).
Cf. aussi « le livre de Jean Frédéric Poisson dans les médias », sur le site du PCD.
* Bat Ye’or citée par Jean-Frédéric Poisson : les pages indiquées entre parenthèses renvoient au livre de celui-ci.
Chez Les provinciales :
• Autobiographie politique. De la découverte du dhimmi à Eurabia.
• Le Dhimmi. Profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du nord depuis la conquête arabe
• L’Europe et le spectre du califat.