Culture
La Louve de Kharkov, psychologie d’un conflit fratricide
Un roman s’empare de la guerre en Ukraine pour nous en expliciter les ressorts intimes de ses protagonistes entraînés vers l’abîme. La Louve de Kharkov pourra en déranger certains, mais l’ouvrage est saisissant et convaincant.
Les éditions Les provinciales se sont distinguées ces dernières années en publiant ou republiant des œuvres du philosophe Pierre Boutang, de l’écrivain Richard Millet ou de la romancière Bat Ye’or. Elles s’aventurent aujourd’hui en terrain miné avec La Louve de Kharkov, un roman sur fond de guerre en Ukraine écrit par Jean-Louis Bachelet, pianiste et dramaturge passionné par le monde russe et marqué par l’œuvre de Soljénitsyne.
Au commencement étaient des sœurs, Arina et Zlata, issues d’une famille russe de Donetsk, dans le Donbass. (…)
Le lecteur découvre leur tragédie intime à travers l’écho qu’en donne Maxime, l’oncle des deux sœurs, lui-même lancé dans un étrange voyage en train où il croise notamment des miliciens du groupe Wagner : « Maxime se demande de quoi est faite l’âme d’un garçon de vingt ans, dont le passé, après avoir été violence, délinquance, prison, se trouve projeté, avec la promesse d’une vie nouvelle, au milieu des cadavres, des tirs, des roquettes, des rafales de Kalachnikov, du froid, des privations, et d’une solitude nouvelle, certes parée de promesses folles qui toutes sont revêtues de ce nom magique, inconcevable, abrutissant de beauté, de ce doux nom de “liberté”. »
S’inspirant dans ce roman de faits réels dont il a eu connaissance, Jean-Louis Bachelet expose remarquablement dans cette Louve de Kharkov les ressorts intimes des deux camps, qu’il s’agisse des zones d’ombre d’un certain nationalisme ukrainien, cultivant une nostalgie plus que malsaine de l’Allemagne nazie, ou bien d’un fatalisme russe bien palpable chez leurs adversaires. Ce roman agacera peut-être certains partisans, mais il demeure la transcription littéraire sincère d’un vécu douloureux.