« En Europe, les manifestants diabolisent Israël en le qualifiant d‘État nazi. Les Palestiniens sont considérés comme les nouveaux Juifs », écrit Jürg Altwegg dans Die Weltwoche : « “Le premier cadavre que je vis était celui d’un homme”, a écrit le célèbre écrivain français Jean Genet : “Une partie de la cervelle noircie était à terre, à côté de la tête. Tout le corps était couché sur une mare de sang, noir et coagulé.” C’est par ces phrases que Genet a exprimé l’horreur du massacre de Sabra et Chatila en 1982, perpétré par des miliciens catholiques maronites contre des réfugiés palestiniens au Liban. Ce témoignage littéraire est devenu le socle d’une glorification des Palestiniens (…) leur destin étant mis sur un pied d’égalité avec celui des Juifs – les millénaires d’exil, les siècles de pogroms, Auschwitz. »
« Le pamphlétaire antisémite Céline avait été un des premiers à se lancer dans la comparaison. (…) En France, les catholiques et les communistes avaient d’abord soutenu la création de l’Etat juif. (…) Le grand tournant était intervenu en 1967 : après la guerre des Six Jours, De Gaulle avait qualifié Israël de « peuple sûr de lui-même et dominateur ». (…) Par la suite les maoïstes intronisèrent le Palestinien à la place du prolétaire (…) en 1972 le massacre des athlètes israélien par l’OLP était justifié par Sartre et Edwy Plenel, mais les tentatives de mobiliser les immigrés pour la révolution culturelle échouèrent. (…) »
« L’écrivain Richard Millet a vécu la guerre des Six Jours à Beyrouth lorsqu’il était adolescent. Dans son essai Israël depuis Beaufort, Millet en parle comme de « l’ultime guerre glorieuse de l’Histoire » : « Si Israël avait perdu en 1967, il n’existerait plus », dit-il dans l’interview accordée à la Weltwoche : « Il a établi un lien entre le passé et l’avenir et il a donné une direction à celui-ci ». Le constat de Richard Millet est pourtant amer : « Sur tous les autres plans, Israël a perdu. »
Jeune homme, Millet était retourné à Beyrouth « pour combattre la propagande palestinienne ». Il a rejoint les phalangistes, les milices chrétiennes. Ce sont elles – et non l’armée israélienne – qui ont perpétré les massacres de Sabra et Chatila, quelques jours après l’assassinat du président Bachir Gemayel, qui travaillait à un traité de paix avec Israël. On oublie aussi, rappelle Richard Millet, que l’atroce massacre de Damour les avait précédés : « Les Palestiniens ont tué et démembré les morts. Ils ont profané les corps. Sur le corps d’une femme, ils ont mis une tête d’homme ».
Avec son récit sur Sabra et Chatilab, Jean Genet a mit un terme à son long silence littéraire. Il n’avait rien écrit depuis le suicide de son amant Abdallah. « Ce n’était pas un humaniste, mais un pervers », dit l’historien de la littérature Eric Marty : le Palestinien de Genet ne fait pas partie des « damnés de la terre ». L’écrivain éprouvait pour le fedayin la même fascination érotique que pour l’officier nazi dans le Paris occupé. La philosophe Judith Butler en fait le témoin principal de la théorie du genre, que Marty décrit comme le « dernier message idéologique de l’Occident au reste du monde ». Butler qualifie les territoires occupés par Israël de « conquête hétérosexuelle ». (…) »