L’auteur synthétise avec la dextérité qu’on lui connaît la vérité sur Israël. C’est-à-dire l’exactitude des faits et leur signification. Ce n’est pas le premier du genre, même si peu parlent à leur fille pour tenter un partage impossible : comment expliquer cette aversion persistante voire croissante contre ce pays lorsque l’on connaît la vérité dans cette double face ? Si l’on est honnête et que l’on peut encore se regarder dans une glace alors ce que dit Millière est un salutaire rafraichissement mémoriel ; mais si l’on est malhonnête intellectuellement alors on rentre dans cette catégorie de l’aversion qui ne peut que déboucher sur cette ultime sentence rappelée par l’auteur tout le long : certains en veulent tellement à Israël qu’ils iront jusqu’à lui reprocher la Shoah…
Ou encore une raison de faire parler de soi pensent-ils : c’est le leitmotiv des Dieudonné/Soral et des diverses photocopies de Céline qui pullulent dans les confins de l’antisémitisme, que Barrès abandonna lorsqu’il admit que les Juifs eux aussi étaient morts dans les tranchées de 14.
Certes, des (Nord-)Africains moururent aussi ; faut-il pour autant excuser la façon anti-juive de se comporter qu’ont adopté leur progéniture actuelle ? Il est à remarquer que l’antisémitisme arabo-musulman a changé de nature à la suite de sa fréquentation avec le nazisme et le pétainisme en se faisant encore plus ségrégationniste que naguère, ce qui explique sans doute l’impossibilité des responsables arabo-musulmans dans la région d’accepter la partition de 1947, ce que rappelle Guy Millière.
Il souligne aussi la responsabilité anglaise dans le fait d’avoir permis au compte goutte l’immigration juive et surtout d’avoir violée sa promesse de la déclaration Balfour visant à remercier précisément les Juifs d’être morts dans les tranchées françaises.
Il existe une coresponsabilité du monde libre à avoir laissé le génocide se faire, et on dirait que par un processus étrange de transfert, le Juif défendant sa terre est apparu comme l’Occidental s’en emparant. Comme si au lieu de se reprocher à soi le colonialisme dans ses éléments dominateurs on avait à nouveau versé sur l’Israélien le sang de Christ en lui préférant Barrabas personnifié par le Palestinien, cette créature qui vient de nulle part puisqu’il n’y a jamais eu de Royaume de Palestine y compris sous la férule arabo-musulmane. C’est bien le Palestinien qui fut inventé rappelle Millière et non pas l’Israélien comme le prétendent les espèces de décolonialistes avant la lettre qui ont fait leur le narratif palestiniste. Rappelons qu’ « au début des années 1860 la population juive était déjà majoritaire à Jérusalem » (Yehoshua Ben-Arieh, Jérusalem au XIXe siècle, Éditions de l’éclat, 2003, p.49).
La mauvaise conscience européenne, le refus d’accepter qu’il n’y a aucune raison de penser que seul le colonialisme occidental aurait été horrible alors que le colonialisme arabo-musulman passe comme une lettre à la poste (malgré le génocide voilé de millions d’africains évidemment guère enseigné dans cette « école fantôme » dont parle Redeker) tous ces facteurs peuvent expliquer que le Juif reste le souffre douleur qu’il a toujours été jouant le rôle de l’agneau dans la fable de la Fontaine.
Parfois le monde est binaire aussi : à ceux qui se plaisent dans le monde gris il s’avère qu’à certains moments il faut savoir décider, il faut trancher : il n’y a pas de zone grise concernant Hitler, Lénine, Staline, Pol Pot, où l’on verrait leur « bon » côté. Le mal n’est pas un moment du bien il est son contraire irréductible qu’il ne sert à rien d’amadouer puisque le mal ne serait plus le mal sauf lorsqu’il se met au service du bien ; mais même tout cela est à prendre avec des pincettes et de la mesure car si l’adage « un mal pour un bien » s’explique en particulier dans le contexte de la « guerre juste », il faut être sûr du bien dont on parle ; or, il n’y a pas de « bien » palestiniste, que du mal, puisque ses dirigeants, après avoir refusé la « paix des braves » proposée par Bill Clinton à Camp David, en arrivent à vouloir poursuivre en justice les Anglais à cause de la déclaration Balfour alors qu’à l’époque (1917) la Palestine arabo-musulmane n’existait pas sauf comme contrée arriérée de l’empire Ottoman en perte de vitesse.
Le livre de Guy Millière synthétise l’état de la question au moment même où la France socialiste veut brader les liens avec Israël pour un plat de lentilles électorales…