« Les écrivains qui se piquent de politique sont presque aussi nombreux que les hommes politiques qui tâtent de la littérature. Mais un écrivain de première grandeur qui devient un véritable homme d’État, comme Vladimir Jabotinsky, le cas est plus rare. On se souvient aujourd’hui de ce personnage né en 1880 à Odessa et mort en 1940 à New York, comme l’un des fondateurs d’Israël : le prophète du sionisme de droite, le mentor de l’Irgoun. C’est à ce titre qu’il repose à Jérusalem dans une tombe de basalte noir, aux côtés de Theodor Herzl, et que son visage a figuré sur des timbres ou des billets de banque. Il avait pourtant été, dans un premier temps, journaliste, traducteur, romancier. En russe, la langue de son pays d’origine. Et avec un talent, une aisance, que sa génération – celle des Pasternak et des Babel – lui enviait.
Pourquoi avoir renoncé à cette vocation pour le sionisme, et s’être tourné vers l’hébreu et le yiddish, idiomes » communautaires » et presque confidentiels ? « Parce qu’il le fallait », expliquait-il. Les pogromes de 1903, de 1905, des années 1918-1920, puis la montée de l’hitlérisme, l’avaient convaincu que le peuple juif était en danger de mort. Et que le salut passait par la constitution d’un État-nation. « Ou les juifs mettront fin à la diaspora. Ou c’est la diaspora qui mettra fin à leur existence… » Son talent ne lui appartenait plus. Il devait être mis au service d’une Révolution (…) »
Michel Gurfinkiel, michelgurfinkiel.com