« L’auteur, professeur d’histoire à l’Université de Haïfa, est un spécialiste de l’histoire militaire qui a siégé à ce titre dans la Commission d’enquête officielle israélienne chargée de faire rapport sur la guerre du Kippour. (…)
« Guerre d’indépendance ou catastrophe ? » porte le sous-titre. Indiscutablement une guerre d’indépendance pour les Israéliens et assurément une catastrophe pour les Palestiniens.
Quinze chapitres étudient longuement en s’appuyant sur une documentation fouillée (seules manquent les archives arabes demeurées à ce jour inaccessibles aux chercheurs qu’ils soient palestiniens, arabes, occidentaux ou israéliens) la genèse de la guerre et son déroulement. Ou ne devrait-on pas dire plutôt des deux guerres distinctes et successives : d’abord celle opposant les civils arabes ou civils juifs en Terre Sainte, déclenchée fin 1947 par les nationalistes palestiniens en réaction au plan de partage de l’ONU, et ensuite l’invasion des armées arabes au lendemain de la proclamation de l’Etat juif le 14 mai 1948.
Sont ainsi successivement passés en revue l’organisation des Palestiniens et de la Ligue arabe en vue de la guerre à venir, l’élaboration de la politique militaire du Yichouv, la mutation de la guerre entre civils en guerre ordinaire, les débuts de l’exode palestinien, l’effondrement de la société arabe palestinienne, la fin du Mandat, l’invasion armée arabe, les deux trêves successives, la disparition de toute politique proprement palestinienne, les deux diplomaties – l’officielle et la secrète -, la conquête du Néguev, la fin de la guerre contre le Liban et la Syrie et ensuite avec l’Egypte et la Transjordanie et, pour finir, l‘accueil des réfugiés dans le monde arabe et l’impossible retour.
L’épilogue de l’ouvrage rappelle que « les Palestiniens les premiers déclenchèrent la guerre et en furent aussi les grands perdants et les principales victimes » et que « de 1949 à 1967 les Palestiniens furent absents de la scène politique » pour n’y revenir sous leur propre bannière qu’après la Guerre des Six Jours. L’auteur souligne aussi les responsabilités des prétendus alliés palestiniens de la coalition arabe qui les abandonnèrent à leur sort, redoublèrent leurs pertes territoriales et s’empressèrent ensuite de négocier en ignorant totalement les Palestiniens.
Mais il faut ajouter que d’emblée déjà la réaction des Arabes palestiniens à la résolution onusienne de partage consista en un « mélange de défaitisme et de rébellion ». A la suite de l’incompétence de ses dirigeants et des querelles intestines du camp arabe palestinien, aucun gouvernement provisoire arabe ne fut instauré dès le début de l’évacuation britannique, aucune administration palestinienne installée dans les zones arabes, tandis que, de leur côté, « le Mufti et ses associés préféraient diriger la guerre de l’extérieur en lieu sûr, et abandonnèrent leurs partisans dans le pays ».
Cet édition française du livre (…) comporte une importante introduction inédite relative aux narrations israélienne et arabe de l‘histoire du conflit – totalement opposées, comme on s’en doute – et constate l’inexistence à ce jour d’une approche commune. Les narratifs existants sont généralement purement propagandistes. Ainsi, l’historiographie palestinienne se garde bien d’évoquer le fait qu’à deux reprises en 1948, le roi Abdullah de Transjordanie « avait littéralement sauvé les Palestiniens d’un total désastre », à l’exception d’Arif-al-Arif, militant de la cause palestinienne depuis 1919 et ancien maire de Jérusalem-est dont l’histoire de la guerre de 1948, ouvrage en six volumes écrit dans les années cinquante, n’a pas été traduit et n’est jamais cité parce que trop dérangeant au regard des idées reçues. »
Micheline Weinstock, Institut Sépharade Européen.