On ne peut guère évoquer Pierre Boutang aujourd’hui sans revenir à ses textes de mai-juin 1967, quand il dirigeait La Nation Française et qu’il termina sa longue série de « Politique » hebdomadaire par la Guerre de six jours. Chacun des grands événements décisifs et incalculables que nous vivons depuis septembre 2000 permet de comprendre un peu mieux la vision d’Israël qui s’était imposée à lui dans les années cinquante et qu’il déploya puissamment pendant les quelques semaines de l’agonie plutôt heureuse de son journal1. Depuis le tragique 7 octobre (Joie de la Tora, Sim’hat Tora), c’est cette phrase qui paraît s’élucider : « L’échec final de la chrétienté en Europe, et de sa “mission” sur les autres continents, rendant apparemment vaine la diaspora, la dispersion du peuple juif, permettant à de modernes empires de prétendre que la croix elle-même avait été vaine, restituait nécessairement aux Juifs leur charge originelle, l’idée de cette charge, transformée par l’aventure de vingt siècles. » Si la mission de l’Église est de prolonger le « dessein bienveillant » du Dieu d’Israël et de « communiquer la gloire de sa vie bienheureuse » et son Alliance jusqu’aux confins de la terre, comme dit le Catéchisme, explorant les merveilles de la providence et déployant ses bienfaits véritables, quelle était proprement la mission de la chrétienté envers les autres continents ? (suite ici)