…Mais ni l’opiniâtreté du maître, ni la naïveté du disciple ne sont mortelles… Ainsi les trace Klee dans sa dernière « image à Candide » :
Rayonnant et souriant, vêtu d’une tunique et d’un manteau qu’on dira de laine en raison des floches et des effilochures, Panglos s’avance vers toi, bénévole lecteur et spectateur, comme descendant d’une montagne que son aura aurait édifiée pour qu’il y résidât avec son idiot de disciple et qu’ils en descendissent parfois vers les hommes.
Les bras levés à hauteur des épaules, la main droite ouverte en paume, index dressé, pour signifier la paix et appeler l’éveil et l’attention, la gauche crochée dans les beaux draps du ciel, ébouriffé, les yeux âtreux, la figure brouillée ou cendreuse, bouche ouverte pour les bonnes paroles, – Pangloss conclut.
Longue hampe à la droite du maître paonnant, sa bouille de singe éclairée d’un sourire gnolle fichée sur son long cou, Candide porte les mains à son cœur pour en contenir les battements violents et marquer son approbation et dévotion, et se hausse subtilement. Les traits de lisière définitivement vacillent, pignent et lochent, mais enfin le ciel consent par une voûte un espace de lumière, entre les coulées de traits favilleux, où baignent les deux têtes.
In Ghislain Chaufour, Candide Antérot, p. 204, © Les provinciales, 2009 et Zentrum Paul Klee, © Adagp 2009 pour les images