Paul-François Paoli, Famille chrétienne : « Un admirateur passionné de Péguy. »

Portrait d’un Péguy multiple qui trouve son unité dans l’amour charnel de la France chrétienne

 

Les facettes d’un intraitable

Charles Péguy n’en finit pas d’être redécouvert, comme si notre époque saturée de paillettes était en manque de saints et de héros. De fait, si quelque chose est indéniable chez cet homme qui peut parfois irriter ou exaspérer, c’est bien son héroïsme. Poète et polémiste, essayiste et journaliste, intellectuel et soldat : Péguy fut tout cela, mais il fut par-dessus tout un homme intraitable, qui ira jusqu’au bout de ses engagements comme de ses refus. Il mourra le front haut, le 5 septembre 1914, fauché au tout début de la guerre par une balle allemande.
Pour comprendre l’homme, il faut le lire intégralement depuis Les Cahiers de la quinzaine jusqu’à Notre Jeunesse, en passant par les litanies que constituent ses grands poèmes. Et c’est à ce travail que s’est astreint Rémi Soulié pour écrire son Péguy de combat, livre marqué au fer de la foi.
Chroniqueur au Figaro Magazine, il est péguyste catholique, comme d’autres sont péguystes socialistes ou républicains. Car il y a plusieurs Péguy : le chrétien des débuts, le défenseur acharné de Dreyfus, l’anarchiste ami de Georges Sorel, enfin le néo-catholique qui se rapproche de l’Action française à la veille de la guerre, sans pour autant cesser de critiquer Maurras.
Ces Péguy successifs ne forment plus qu’un quand il s’agit de l’amour charnel de la France qui, comme chez Barrès, constitue le fil transcendant de toutes ses contradictions. Depuis la cathédrale de Chartres en passsant par la Lorraine de Jeanne d’Arc, cette France est chrétienne, mais elle est aussi rebelle, car insoumise aux idoles de la modernité : l’argent, l’État, ou encore le rationalisme étriqué de la IIIe République contre lequel Péguy aura des mots si durs.
Tel est le voyage auquel nous convie Soulié dans ce livre édité par Les provinciales (Olivier Véron). Cet éditeur ne place pas pour rien son travail sous les auspices de Bernanos et du philosophe Pierre Boutang qui, s’il fut un disciple de Maurras, n’en a pas moins été aussi un admirateur passionné de Péguy.

Paul-François Paoli, Famille chrétienne, n°1532 du 26 mai 2007.