S’agissant d’Israël, il n’est pas un domaine, fût-ce celui de la politique, qui ne soit requis par la métaphysique et la théologie. Un esprit à la fois militant et éclairé comme celui du philosophe Michaël Bar-Zvi, disciple de Pierre Boutang, en témoigne éloquemment lorsqu’il s’interroge, dans Etre et Exil, sur « la philosophie de la nation juive ». Méticuleux généalogiste des idées et des pratiques nationalistes au sein de la diaspora, il met en évidence leur lien souvent étroit avec l’espérance messianique. Les figures se succèdent : pionnier, aventurier, gardien, voyageur répétant la geste d’Abraham, quêteur de la demeure naturelle où habiter le monde et vénérer la Présence de Dieu, le Juif, « homme de l’origine », est celui pour qui le lien entre le père et le fils, donc l’héritage et la tradition, constitue le paradigme de l’existence individuelle et collective : « Le nationalisme juif n’est jamais une théorie de la fraternité, mais son premier mot est toujours : mon père, ma mère et mes ancêtres, et vous aussi mes frères et mes enfants. » Une somme épique et mystique qui rappellera aux Français qu’en la cathédrale de Reims, leurs rois ont été sacrés sous les yeux de David et Salomon.
Rémi Soulié, Le Figaro Magazine.