Le livre de Hirsh condense tout ce qu’il faut savoir sur Israël en un court roman au rythme haletant, qui donne à réfléchir. À lire impérativement.
Vous cherchez un bon divertissement, une lecture passionnante et un roman qui vous donnera à réfléchir ? Ne manquez pas Le livre de Hirsh, de Tzvi Fishman, un ouvrage intelligent et savoureux qui réussit le tour de force d’intégrer toute la saga des rapports États-Unis/Israël en une brève œuvre de fiction au rythme haletant, qui donne à ses lecteurs un aperçu acéré de la réalité israélienne et des Juifs américains. Fishman, l’auteur du roman populaire Touvia en Terre promise, ancien scénariste d’Hollywood, sait conter et raconter. En habile réalisateur de film (Stories of Rebbe Nachman), il sait aussi mettre en relief son récit par d’intenses images visuelles, l’idéal pour des lecteurs qui résident en dehors d’Israël
Steven Hirsh, un ténor du barreau américain, grand amateur de femmes, représente des célébrités d’Hollywood et estime que tout a un prix. Il a deux enfants de sa première femme – celle qui était juive, contrairement à la jeune et belle sportive étrangement tuée par la foudre au début du livre. À ce tournant de sa vie, Hirsh reçoit un appel de son fils qui vit en Israël et dont il n’est pas très proche. Le jeune homme qui a rejeté le mode de vie de son père pour devenir un Juif orthodoxe, l’informe qu’il s’est fiancé. Ce coup de foudre d’une tout autre nature lui apparaît comme une perturbante impression de déjà-vu parce que, si le grand-père de Hirsh, un homme pratiquant, avait assisté impuissant au spectacle de son fils et de son petit-fils Steven abandonnant ce qu’il tenait pour saint, Steven voit son frère, puis son fils, revenir sans compromis au judaïsme orthodoxe.
Non seulement ils observent les mitsvot, mais ils le font sur un mode que les Israéliens appellent ‘hardal, harédi, sioniste et idéaliste, et qui se traduit, entre autres, par un combat mené contre l’establishment, en vue de faire reconnaitre la légalité de chaque colline sur laquelle leur petit groupe décide de créer une nouvelle localité, ou d’ouvrir une yeshiva dans les territoires contestés de Judée et de Samarie. Hirsh, se frottant les yeux d’incrédulité, pense que son fils était devenu une sorte d’« astronaute spirituel ».
Il ne comprend pas du tout la signification de tout cela, mais en esprit ouvert et animé d’un grand sens de la justice, il se rend en Israël pour rencontrer sa future belle-fille, jetant de l’argent à droite et à gauche pour obtenir ce qu’il veut. Et ça marche, la plupart du temps, mais pas toujours.
Au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, Hirsh apprend vite et de première main que la vie de son fils et de son frère n’est pas l’existence égotiste – profite-au-maximum – qu’il a menée à New York. C’est un petit pays et les titres de l’actualité mondiale semblent se dérouler sous ses yeux. Il prend connaissance des contraintes géographiques du minuscule État juif environné de pays arabes hostiles, constate les lendemains sanglants des accords d’Oslo et de l’expulsion de Goush Katif, les tensions sur le mont du Temple et, dès son arrivée, les ondes de choc des attentats terroristes. En quelques jours, son fils est arrêté, soupçonné d’avoir participé à une attaque punitive contre un village arabe, et Hirsh, de façon totalement inattendue et déconcertante, se retrouve embarqué dans les locaux de la section juive des services secrets d’Israël, laquelle ne plaisante pas. La ravissante avocate, spécialiste des droits de l’homme, qui offre ses services explique à Hirsh pourquoi son fils parle des Arabes et non des Palestiniens. Intellectuel libéral aux conceptions universalistes, tous-les- hommes-sont-égaux, Hirsh, confronté au conflit israélo-arabe, peine à distinguer les faits de la fiction. Pour le moment, il décide que rien ne peut justifier le terrorisme aveugle et le meurtre d’innocents.
Hirsh a déjà fait un don considérable à la yeshiva de son fils sans réaliser qu’elle est située en Judée-Samarie, région instable, ni ce que cela peut présager. Lorsqu’un enfant arabe meurt dans l’explosion du village (pastiche à peine déguisé du véritable incendie criminel de Douma), Hirsh subit un interrogatoire du Shabak et se retrouve dans de beaux draps. Toute l’histoire est entrecoupée par une réunion stimulante avec le rabbin de la yeshiva, un homme passionné, avec le père de la fiancée de son fils, rescapé de la Shoah, et avec une rencontre très émouvante avec sa mère, atteinte de démence, prise en charge par son frère, chez lui à Efrat. Au sein de tout ce balagan, une star d’Hollywood client de Hirsh, véritable meshuggener, suit Hirsh en Israël et sauve la situation qui atteint son paroxysme au cours d’une réunion avec le Premier ministre d’Israël, au cours de laquelle Hirsh, indigné, exige la libération de prison de son fils – sinon… L’action ininterrompue est couronnée par l’idylle naissante de Hirsch pour la séduisante avocate israélienne qui représente les jeunes des collines. À son corps défendant, le Président des États-Unis en personne, ancien client de Hirsh, doit intervenir dans cet imbroglio. Et il y a bien d’autres choses encore, tout cela en moins de 250 pages.
Ce livre n’est pas seulement le récit d’une aventure bourrée d’action dans un Moyen-Orient dément. Il est aussi rempli des réflexions de Hirsh, sages, parfois cyniques et souvent drôles, donnant à penser, par exemple : « comment se fait-il que tant d’écrivains à succès soient obsédés par le sexe et la mort ? En particulier les écrivains juifs comme Philip Roth, un génie malheureux, existentiellement bourrelé… que le frère de Hirsh en Israël, surnommait… ‘’le haïsseur de la mère juive’’. »
Hirsh est également enclin aux songeries philosophiques, comme : « Et la vie sur la Terre, comment avait-elle commencé, qui l’avait créée ? Qu’était-ce donc que la mort ? Qu’y avait-il là dans l’urne sur le bar [provenant de l’incinération de sa femme, joueuse de golf], une âme ou seulement des cendres ? » Philosophie, théologie et histoire mises à part, les choses évoluent rapidement jusqu’au dernier chapitre, et là, une autre surprise nous attend dans ce livre luxuriant, d’une lecture ô combien plaisante ! Le’Haïm !
Rochel Sylvetsky, Israel National News (traduction Claire Darmon).
• Tvi Fishman, le livre de Hirsch, Les provinciales.
(Sur l’auteur de la critique : Rochel Sylvetsky a fait son aliyah en Israël avec sa famille en 1971. Elle a été responsable des programmes au lycée de jeunes filles de Horev, à Touro College à Jérusalem. Elle a dirigé Emouna Israël, ainsi que le Village de jeunes de Kfar Hassidim. Lorsqu’elle a pris sa retraite, Aroutz Sheva lui a demandé d’être la rédactrice en chef du site internet en anglais, poste qu’elle a occupé pendant plusieurs années avant de devenir consultante, chroniqueuse et rédactrice sur le judaïsme. Elle est membre des conseils d’administration du Collège universitaire Orot Israel et de la chaîne de la Knesset.)