En 1949, pour célébrer la création de l’État d’Israël qui venait de voir le jour, Claudel publiait chez Gallimard, sous le titre Une voix sur Israël, un texte qui devait initialement figurer dans un autre ouvrage en préparation, L’Évangile d’lsaïe. Il s’agissait pour lui de réfléchir, en chrétien, à cet événement, et, bien évidemment d’en affirmer la pleine légitimité au regard des promesses faites à Abraham. Il n’y a pas prescription. Il n’y a jamais eu un acte juridique, authentiquement valable pour te [Israël] déposséder. Et il ajoute plus loin, leur retour [des Juifs] à la Terre promise n‘a pas eu le caractère d‘un accident, mais d‘une nécessité. Il n’y avait pas d‘alternative.
Olivier Véron, le responsable des provinciales, a voulu, dans la conjoncture présente où Israël est contesté dans son existence même, rééditer ce court mais dense texte de Paul Claudel (p. 9-74), en le faisant suivre (p. 77-120) par un commentaire éclairant de Fabrice Hadjadj. Celui-ci, en citant Emmanuel Levinas qui, dans Difficile liberté, écrivait : Paul Claudel rend possible une attitude qu‘un chrétien adopte pour la première fois : il s‘aperçoit que le juif – en tant que juif – est pleinement son contemporain, insiste sur cette nouveauté dont Paul Claudel a pris conscience : le retour d’Israël sur sa terre est « un événement immense de l’histoire de l’humanité ». Car pour lui, il ne fait aucun doute que le retour des Juifs en erets Israel relève d’une « intervention divine », même s’il est aussi « reconquête » de la terre, résultat des « forces retrouvées ». Face à cette réalité, le chrétien doit revoir son jugement, ne plus prétendre remplacer lsraël mais coopérer avec lui, comprendre que le chemin de la fraternité entre Juifs et Chrétiens est l seule voie sur laquelle il faut s’engager, et que c’est de la responsabilité du Chrétien d’y veiller…
Yves Chevalier, Sens n°424, mai-juin 2019.