368 pages, 28 €
Ce troisième tome de mon Journal, publié à peu d’exemplaires aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux, étant épuisé et introuvable, même chez les libraires d’occasion, les éditions PGDR ayant disparu avec la mort de leur fondateur, en 2022, et ses ouvrages pilonnés, je suis reconnaissant à Olivier Véron de le rééditer, comme les tomes IV et V, à l’enseigne des provinciales, cette fois dans une version entièrement revue et, sur sa suggestion, fort augmentée. En 2020, la situation financière des Éditions Pierre-Guillaume de Roux était plus que difficile ; mais Pierre-Guillaume avait tenu à publier la suite de ce que Léo Scheer avait entrepris, puis abandonné, soucieux de rappeler qu’il était de gauche – comme l’est tout le monde, dans le système médiatico-éditorial, ce qui implique de facto une allégeance aux consensuelles valeurs d’un post-humanisme frelaté et aussi du wokisme, par assentiment tacite, ou par peur.
La santé de Pierre-Guillaume étant elle aussi, nous étions peu à le savoir, déclinante, nous avons donc convenu de donner, pour les années 2000-2003 de ma vie, un volume qui ne fût pas trop épais ; ainsi l’ai-je dégraissé, en écartant des notations qui pouvaient sembler litigieuses, nos soutiens étant rares, et donc à ménager, et nos ennemis fort nombreux et prompts à envoyer les déviants devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris, surtout après l’affaire de 2012, dont le dernier acte s’est joué en 2016, avec mon texte paru dans la Revue Littéraire puis, en extrait, dans Le Point, sur une romancière à succès qui, au lieu de demander un droit de réponse dans la Revue littéraire, a fait en sorte que je sois définitivement licencié par les éditions Gallimard.
Pierre-Guillaume avait été, financièrement et socialement, comme on dit, bien plus affecté par mon affaire qu’il ne le laissait paraître : nombre de prétendus amis, dans l’édition et dans la presse, lui ont tourné le dos, et les portraits qu’on a faits de lui dans la presse officielle, notamment dans le Monde et dans le Point, sont abjects. Je rends ici hommage à sa noblesse et à son sens de l’amitié qui ont fait qu’il ne m’a jamais lâché. C’est une des dernières personnes de goût avec qui il m’a été possible de parler de littérature, de cinéma, de politique, quelquefois de musique. Avec qui parler longuement et en profondeur, et en buvant des vins exquis, de Jouve, de Pound, de Conrad, ou de Gomez Davila, de Rohmer, Schoendoerffer, Pialat, aujourd’hui, et bien sûr de son père, dont je suis heureux qu’il m’ait demandé de préfacer la réédition de la France de Jean Yanne.
D’un précédent fichier, j’avais donc ôté maintes choses qui me semblaient secondaires ou dont l’absence ne modifiait pas le pointilliste récit de ma vie publique ni de ma vie intérieure, pour user de distinctions qui semblent aujourd’hui emphatiques au marginal que je suis devenu, laissant le fichier original à l’éventualité d’une publication posthume**. Les provinciales me donnent donc l’occasion singulière d’être pré-posthume. Voici donc, rétabli, et revu, le texte original de ce troisième volume, ces trois années charnières qui m’ont vu quitter les éditions POL pour les éditions Gallimard, et donc changer de vie, pour peu qu’on croie qu’il soit possible d’en changer jamais. Rétablis, ces petits faits et notations fantômes prennent un tout autre sens, aujourd’hui, où bien des écrivains et des personnages ici évoqués sont devenus des écrivains officiels ou des apparatchiks, et où, outre Pierre-Guillaume, nombre de ceux qui sont ici évoquées sont morts : Paul Otchakovsky-Laurens, Denis Tillinac, Bruno Roy, Léo Scheer, Robert Marteau, Yves Mabin, Cécile Gilly, Philippe Sollers, Guy Goffette, et mon père, Hélène ma première femme, et Béatrice la nouvelle.
Richard Millet
** À supposer que la petite maison ayant «édité d’abord Israël depuis Beaufort, puis Français langue morte suivi de « l’Anti-Millet » les librairies fermées, le premier jour du confinement, et La Forteresse, assiégée et menacée de disparaître du fait des procédures intentées contre elle par un certain M. Onfray– ne produise pas elle-même des éditions fantômes (NdE).
• Journal 2003-2011, tome IV, a été publié en 2023 :
• Journal 2011-2019, tome V, a été publié en 2024.
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« J’écris aussi pour sauver un monde perdu. Formule impropre : ce que je sauve, c’est ma vision de ce monde ; un témoignage par lequel je cours cependant le risque de me perdre à mon tour. »
« Écrire : prière que je ne sais pas bien adresser. »
Richard Millet
Journal III