Les Mandarins sont revenus

Chassez-les !

par Pierre Boudot

Ajouter au panier

72 pages, 10 €


Dans un ultime effort pour surmonter son épuisement, Pierre Boudot (1930-1988) termina sa carrière en dispensant des cours magnifiques à la Sorbonne sur Thérèse d’Avila et Jean de La Croix, dans le repaire de ces «  mandarins  » qu’il avait appris à redouter autant qu’à détester. Dans le violent réquisitoire qu’il n’a pas publié de son vivant, Les Mandarins sont revenus, chassez-les  ! il dénonce leur puissant mépris des œuvres de l’esprit et des hommes, leur carriérisme mesquin, leur méchanceté – l’égocentrisme, la jalousie, l’infécondité et le plagiat de principe qu’il a décelés chez ces «  complices de l’argent  », qui firent de l’Université quelques années après 1968 le premier territoire perdu de la République.
Boudot ne se contente pas de rappeler la fronde des étudiants un instant révoltés contre leur système, contre leurs manipulations, ce stalinisme de couloirs triomphant dès alors à l’Université, mais il se souvient aussi de quel généreux sens historique, de quelle forme paradoxale de socialisme et de quel amour de la liberté et de la culture était habité un certain Charles de Gaulle, «  seul recours de la France contre le totalitarisme du libéralisme et le libéralisme du totalitarisme  ».

Les paradoxes de la vérité crucifient ceux qui en ont le courage et même la vocation. La profonde blessure personnelle dont cet écrit témoigne dans une langue, une détresse et un souffle prodigieux, une maîtrise, une ironie intactes paraissait, il y a vingt ou trente ans, la meurtrissure évidente d’un écrivain génial cruellement éprouvé. Dans la France d’aujourd’hui, elle est devenue une marque infaillible d’honnêteté et le symbole de tout un peuple qui souffre, acculé dans le désarroi d’une culture qui s’effondre et trahi par ses «  clercs  », mais qui se réveille. Pierre Boudot dans la nuit obscure de son combat contre la mort administrée avec de faux semblants n’est plus un solitaire. De nombreuses âmes affligées de notre temps mais décidées de lutter reconnaîtront en lui un réveilleur, un guetteur donnant l’alerte, un éclaireur et un premier de cordée  : notre avant-garde. Boudot a gagné en représentation nationale.
Sur le ton du cauchemar, d’une hallucination digne de «  la généreuse tradition des prophètes hébreux  » rappelée par Marc Bloch, ce texte tient davantage de la musique des psaumes que du pamphlet ciblé (quoique l’on pourrait encore lui assigner des noms). «  Renonçant à être philosophes, vous êtes devenus doctrinaires et si la réalité déborde des grilles de vos discours, vous donnez tort à la réalité  », écrivait-il, et la grande cohérence et précision de sa pensée décrit parfaitement, plus de trente ans à l’avance, le mécanisme humain qui aboutit à l’effacement de la culture du vrai en Europe, cette catastrophe en chaîne, et constate le retour pire que la première fois de la maladie idéologique d’un pays prêt à trouver sa place à l’interstice du nouveau pacte hitléro-stalinien que ce texte prophétise  : «  En vous s’unissent ce qui était mêlé dans Hitler et Staline  : le totalitarisme et l’activisme suicidaire. Même si la solidarité est dès aujourd’hui planétaire, en elle, la fraternité n’a pas forcément les mêmes urgences.  Pour nous, Français, Européens, Occidentaux, je le redis  : Israël est le vrai terrain de notre avenir éthique. Israël est le cœur de notre langage, le rythme de notre instinct de conservation, la mémoire de nos terreurs, de nos effondrements, de l’imprévoyance et de la complicité de nos pères. (…) Quand vous me désespérez, je m’arrête et je songe  : Israël… Mais vous, les mandarins, vous arrachez et laissez arracher le mot à ses racines véridiques pour nous et vous le livrez, tel Judas, avec un baiser à la liturgie planétaire d’un nouvel holocauste.  »
À l’heure où nous attendons les effets d’une démission « historique  » de la communauté internationale, impatiente de renouer avec un régime criminel outrancier (le régime des Mollahs) et de libérer le flux indécent des «  affaires  » et du pétrole sur fond de faillites religieuses et humaines, ce texte, scandale de la vérité, montre que le regard isolé méthodiquement (Boudot disait «  ostracisé  ») est encore celui qui voit le plus juste.

Olivier Véron
Les Mandarins sont revenus, chassez-les ! Pierre Boudot.

Les provinciales, collection « Israël et la France ».


[ssba-buttons]

« Vous avez exalté la mort cachée dans les momies que vos jeux d’ombres animaient, vous avez plombé les souterrains étranges où se forme le sang des génies d’une Renaissance, vous avez pioché le sol là où surgissent les sources. Et les sources se sont perdues et nul vivant de ce siècle n’en retrouvera le cours… »

 

« Aujourd’hui je viens vous dire  : méfiez-vous, vous piétinez de nouveau les volcans. Non que je désire vous sauver, mais il vous reste encore une chance de profiter de la retraite vers laquelle ont tendu vos efforts  : Allez-vous en  ! Avant 1968 on vous avait crus maladroits, inhumains à force d’être carriéristes  ; on sait aujourd’hui que vous êtes définitivement médiocres. Au point de ne même pas vous rendre compte que votre bêtise a partie liée avec la mort – la vôtre – et que les révoltes nouvelles contre vous qui transformez la vie en impasse seront si vigoureuses que cette fois elles seront sanglantes. »

Pierre Boudot
Les Mandarins sont revenus