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Aussi étrange que cela paraisse, il semble que Sade soit plus miséricordieux que saint Augustin : celui-ci nous décrit un enfer épouvantable ; pris au sérieux il ferait perdre toute idée de la justice divine, au point que l’éternité du paradis ne nous attirerait plus et le désir de Dieu serait inopérant pour la vie ici-bas. Réduite à un excès de punition féroce, presque divine, la cruauté n’est jamais étudiée ni analysée et ne fait même pas partie des péchés capitaux. Ceux que Ghislain Chaufour appelle les « Justiciers » n’espèrent pas nous en débarrasser par une réhabilitation intégrale, ils laissent ouvert béant le gouffre puant de l’enfer surpeuplé : le Jardin de paradis surplombe les gogues du Ciel jamais curés, observe-t-il avec tristesse. Cela laisse la part belle à ceux qui s’y opposent, « les Libertins » décrits par Sade : ceux-là haïssent ouvertement l’idée de Dieu, la Nature folle et cruelle, l’humanité, en particulier les femmes à cause de la beauté évidente, la procréation et l’amour. Cela non plus n’est pas très engageant…
Contr’amour et sodomie s’opposent, chez ces « Libertins », à la perfection de l’amour humain – un sentiment chevaleresque souverainement méprisé, dont leur cœur ne sent jamais les atteintes. Illusion ou fable de quelques moments héroïques, l’amour idéal est dédaigné, qui peut rompre à tout moment et sombrer : ne reste que la cruauté alors, puisque les formes intermédiaires entre elle et lui s’effacent ; les « libertins » l’emportent donc par l’abondance du mal…
Ghislain Chaufour affirme toutefois – et prouve – que l’œuvre obscène de Sade n’a été écrite en réalité que pour avertir des ultimes conséquences de cette société sans Dieu que préparaient déjà ses contemporains. Il réduit à néant les représentations insoutenables de l’enfer qui auront entraîné pendant des siècles la détestation de Dieu ou rendu presque hérétique la petite Thérèse ou Péguy, car ils n’en voulaient pas. Il réconcilie l’idée de ce Dieu unique avec l’amour humain charnel, dont le dégôut est aussi peu catholique qu’il est très répandu. Ce livre libère ainsi le marquis de Sade et donc la grande tradition littéraire française du véritable enfer libertaire où les modernes l’ont mis, avec une notoriété aussi mensongère que dévastatrice. Le paradis redevient préférable à cet enfer que nous construisons en son nom.
Presse
Pierre Cormary, Soleil et croix : « Il s’agit de comprendre Chaufour mieux que lui-même… »
Gilles Banderier, La Cause littéraire : « Face à ces contradictions apparentes et insolubles… »
Felix Marcherez, Art Press : « Sade plus miséricordieux que saint Augustin ! »
Philippe Barthelet, Valeurs actuelles : « un petit livre lourd de sens »
« D’un côté, l’auteur s’insurge contre les éternels supplices évoqués par Saint Augustin qui “laisse ouvert béant le gouffre puant de l’enfer surpeuplé” jusqu’à nous dégoûter de Dieu ; de l’autre, il vise les féroces plaisirs des “Libertins ” de Sade… Et figurez-vous que le Divin Marquis est plus miséricordieux que le saint ! Ses romans obscènes auraient été écrits pour avertir des conséquences d’une société nihiliste. Coincés entre le contr’amour des uns et le désir de pureté immatérielle des autres, l’auteur propose un ajustement entre le charnel et le spirituel, entre la liberté – fût-elle “blessée” – et la grâce afin de réconcilier l’idée de ce Dieu unique avec le salut temporel de l’humanité cher à Péguy… Tandis que les hommes s’acharnent à bâtir un paradis en suivant les plans architecturaux de l’enfer… »
Félix Marcherez
Art Press
« Sade a démontré dans Français, encore un effort… que la licence absolue est invivable, que des interdits sont nécessaires, mais on ne sait pas le lire… »
Ghislain Chaufour
Paris-Jérusalem